Parmi les projets du nouveau gouvernement figure une compensation de la mise en eau du polder Hedwige. C'est une longue histoire que celle du polder Hedwige, qui empoisonne les relation entre les Pays-Bas et la Belgique depuis un peu plus de deux ans.
L'estuaire de l'Escaut
J'ai déjà présenté l'estuaire de l'Escaut Occidental. C'est le seul accès à la mer du port d'Anvers, premier port de Belgique depuis l'indépendance de ce pays. Cette partie du fleuve est sur le territoire des Pays-Bas qui en assurent la maintenance. Le trafic du port d'Anvers assume en échange un droit de passage qui ne mine pas la compétitivité du port d'Anvers mais permet à tout le monde d'être content.
Les travaux d'aménagement de l'Escaut Occidental
Pour assurer le développement du port d'Anvers et permettre aux porte-containers de gros gabarit de desservir ce port, les néerlandais et les belges ont signé un accord d'approfondissement des chenaux de l'estuaire. L'accord entre les deux pays semblait prendre tout en compte, qui fait quoi, qui paye quoi, ainsi qu'un calendrier d'exécution.
Quand des gros travaux comme ça sont prévus, avec moult négociations, une étude d'impact sur l'environnement est effectuée. Les associations de défense de la nature sont associés aux discussion afin rendre acceptable l'impact des travaux sur l'écosystème. L'approfondissement des chenaux de l'estuaire devrait avoir un impact négatif sur l'écosystème, il a donc été décidé de compenser cet impact en «rendant à la nature » un polder situé en Flandre Zélandaise, le polder Hedwige.
Nouveau mot Ontpoldering (Dépolderisation)
Pour rendre un polder à la mer, il suffit de cesser tout drainage, d'ouvrir les digues de protection et l'eau reprend sa place dans la dépression. Il faut aussi penser à compenser les agriculteurs qui cultivaient les terres de ce polder, un marécage étant beaucoup moins productif. Tout cela était prévu.
Les quelques quatre ou cinq exploitants du polder n'ont pas été consultés au moment des négociations sur les travaux. Leur poids est négligeable face aux millions d'euros d'enjeux de l'exploitation du port d'Anvers et du trafic sur l'Escaut Occidental. Ils ont quand même protesté activement.
Étant le parti des paysans, le CDA est à l'écoute de ces protestations. Le gouvernement Balkenende IV a donc retardé le commencement des travaux dans l'estuaire, au prétexte que la mise en eau du polder Hedwige n'était pas acceptable. La classique opposition entre écologistes et agriculteurs a ainsi empoisonné les relations entre les Pays-Bas et la Belgique. Les Belges reprochant aux Néerlandais de ne pas démarrer les travaux pour préserver la compétitivité du port de Rotterdam.
Il a fallut beaucoup de persuasion à M. Verhagen, Ministre CDA des affaires étrangères pour calmer les Belges tout en choyant sa base électorale.
Les travaux ont finalement commencé en Juin 2010 avec promesse aux agriculteurs qu'ils auront réparation. Il semble que le nouveau gouvernement de M. Rutte ait trouvé la solution en proposant de polderiser une zone en marécage ailleurs en Zélande du sud. Peut être qie les écologistes vont se mettre à crier au scandale et réclamer réparation poussant le ridicule à l'infini, mais le nouveau gouvernement espère quand même mettre fin à ce problème ainsi.
Marc Rutte réalise aussi une bonne opération politique. Après la défaite de balkenende aux dernières élections générales, le parti chrétien démocrate (CDA) a continué de perdre beaucoup de soutien auprès de sa base. Marc Rutte, nouveau Premier Ministre est aussi leader du VVD, le parti de droite libérale populaire qui a historiquement moins la faveur du monde agricole. En répondant favorablement à l'appel des paysans de Zélande il montre qu'il est aussi à l'écoute du monde paysan et chasse sur les terres de son partenaire de gouvernement affaiblit.
C'est donc une mesure clientéliste qui a été prise mais aussi dans la tradition néerlandaise, une mesure pragmatique qui permet de ranger cette histoire sur l'étagère des affaires classées.
Des travaux qui n'en finissent pas
Les Belges ont donc commencé les travaux de leur coté de la frontière mais ils n'ont pas encore vu les néerlandais démarrer les leurs. Le gouvernement flamand s'en est plaint cet été. Aux Pays-Bas, les travaux en retard sont une coutume mais dans ce cas, ils n'ont même pas commencé. En fait le gouvernement néerlandais envisage un autre projet, moins couteux. Lors de sa récente visite aux Pays-Bas, le premier ministre belge Elio di Rupo n'a pas manqué de le faire remarquer à son homologue Mark Rutte. Il faut que les Pays-Bas respectent le traité qu'ils ont signé.