C'est une maison rose...
Le jeudi, 29 mai 2008. - dagelijks
Les maisons de ma rue sont souvent en travaux certes. Leur autre particularité est d'être plus ou moins identiques. Elles ont toutes été construites entre 1903 et 1908 sur le même modèle : facades étroites (pièces toutes en longueur) avec deux portes et de larges fenêtres sur quatre étages surmontées d'un toit avec un petit chien assis et son inévitable crochet.
Cela donne à la rue un jolie trame répétitive typiquement Amstelodamoise. Certains trouvent cela trop monotone d'où l'idée de quelques propriétaires de peindre leur maison en rose. Le ton ne jure pas et se fond bien dans la rue mais hélas cette couleur n'est pas autorisée. On n'est pas à Curaçao que diable...
La mairie veille à ce que le quartier garde les caractéritiques qui ont fait sa réputation. On parle du Pijp comme du quartier latin de la ville[1]. Les services de la mairie sont donc très tatillons sur l'aspect des maisons et n'accordent pas toujours les permis de contruire ou de modifier un bâtiment. La mairie est beaucoup moins tatillonne quand il s'aggit de conserver la spécificité sociale du quartier. Elle encourage les projets de promotion immobilière, réduit le nombre d'habitats sociaux et ne fait rien pour freiner l'envolée du prix des logements. Les ouvriers et les classes populaires qui ont rendu ce quatrtier attrayant ont de moins en moins les moyens d'y vivre et ils s'en vont ailleurs laissant la place à des ménages plus riches. Les jeunes bobos aiment bien l'esprit populaire du quartier mais ils le font disparaître en s'y installant.
La mairie n'essaye donc de conserver que le décors d'un théatre dont la pièce se joue déshomais ailleurs. Elle encourage la venue de ces ménages plus riches qui dépensent plus dans les commerces locaux et qui payent plus d'impots. Seulement ces ménages, avec leurs impots et leur niveau d'éducation plus élevés ont aussi des exigeances plus élevées. Les propriétaires repeignent leur maisons et ce n'est pas de petits fonctionnaires d'arrondissement qui vont leur expliquer comment choisir la couleur...
Voici donc que dans ma rue une jolie maison typique du quartier a fait l'actualité parce que son propriétaire, Monsieur Smithuis, a décidé de repeindre la facade en rose. La mairie n'a pas aimé ce changement de couleur mais le propriétaire n'a pas voulu la changer. C'est donc devant les tribunaux que cette affaire c'est réglée. La longue et surement coûteuse procédure a même interessée les médias, AT5 et Haart van Nederland sont venus, caméra au poing, visiter Saenredamstraat et la maison de la famille Smithuis. Il a fallut 5 ans de procédure pour donner raison à la mairie et contraindre le propriétaire de repeindre sa maison en marron.
Pour fêter la fin des aventures de la maison rose, les habitants ont organisé une house browning party dimanche dernier où tous les gens du quartier étaient invités. Les premiers coups de brosse ont été appliqués sur le mur pour y laisser des messages à l'adresse de la mairie. Après quoi, les voisins ont partagé du champagne rosé et du jus de pigeon dans une belle ambiance dominicale.
Le mardi suivant, une platte-forme est arrivée sur le trottoir et les peintres ont terminé le travail du dimanche en repeignant la maison dans un marron réglementaire. La maison est désormais un peu plus sombre dans la rue et de toutes façons on n'y reste pas pour regader les maisons, parce qu'il s'est remis à pleuvoir. Ma rue est une jolie rue, il y a souvent des travaux de toutes sortes mais elle vaut une petite visite. Si vous passez par là, vous verrez au 51 de la Saenredamstraat, une maison à la facade marron. Si vous croisez les habitants et que ces derniers parlent de la maison rose, souvenez-vous de cette histoire et admirez la facçade.
- voir aussi la maison des années 20
Notes
[1] Cette appelation pompeuse, en référence au quartier homonyme de Paris qui ne lui ressemble pas, est parait-il due au fait que jadis beaucoup d'espagnols, le plus souvent des ouvriers, habitaient ce quartier... ce n'est plus le cas depuis longtemps.
Commentaires
le vendredi, 19 septembre 2008.
Il y en a pourtant d'autre des maison avec des jolies couleurs vives a Amsterdam
www.flickr.com/photos/pri...
le samedi, 3 janvier 2009.
Dans un de ses billets du nouvel an, Laurent Chambon reparle de cette maison rose qui n'est plus rose mais que tout le monde continue d'appeler maison rose, un peu comme le meuble rouge à la maison, mais c'est une autre histoire. Il raconte enfin la version de la mairie qui remet un peu les choses en place par rapport à ce que les médias ont montré. Cette version est à mon avis de loin la plus crédible. le fait que les médias ait parlé à plusieurs reprises de 10 m2 de peinture dans une rue insignifiante montre surtout l'acharnement du mec à montrer partout qu'il a raison...
La seule chose pour laquelle Oud Zuid est cité est l'histoire du mec qui avait peint sa maison en rose et a été obligé de la repeindre. En fait, moi je connais l'autre version de l'histoire: le mec avait peint sa maison dans le mauvais rose (Lewis a tout de suite tiqué: «c'est quoi ce f#cking rose pas beau?»), et quand l'arrondissement lui a demandé de la repeindre, il s'est mis en colère. Les fonctionnaires et l'échevin lui ont proposé qu'il s'engage à choisir la bonne couleur lors de la prochaine peinte ou s'il revend le bâtiment, mais il les a pris de haut et leur a fait un procès. Manque de pot, ce n'est pas l'arrondissement qui décide des couleurs, il ne fait qu'appliquer un règlement décidé par la Commission d'esthétique, un truc indépendant dont les avis sont généralement respectés pour leur bon sens esthétique et architectural. L'affaire a été jusqu'au Conseil d'État, ce qui a débouché sur l'obligation pour l'arrondissement d'appliquer le règlement et de forcer le mec à repeindre sa maison rapidos. Les médias décrivent ce mec comme une victime des fonctionnaires psychorigides de l'arrondissement, alors qu'il n'a fait que s'enfoncer avec son arrogance et un avocat un peu présomptueux... Il s'agit d'ailleurs d'une bonne illustration de changement de mentalité dans l'arrondissement, où les gens éduqués et les nouveaux riches pensent qu'ils peuvent gagner tous leurs procès parce qu'ils ont une grande gueule. S'ils connaissaient le système judiciaire néerlandais, ils sauraient que la thune et une grande gueule ne suffisent pas. N'est pas O.J. qui veut (et encore, il a été rattrapé lui aussi)...