La fin de la maison Descartes
Le lundi, 22 octobre 2018. - ik ben frans
Serpent de mer de la vie du microcosme français aux Pays-Bas la maison Descartes a depuis toujours été vouée à être abandonnée. Quand je parle de la maison Descartes, il s'agit en fait de l'hospice wallon situé sur Vijzelstraat. À mon arrivée aux Pays bas en 2006, le bâtiment était occupé par le consulat et le centre culturel français qu'on appelait la maison Descartes. Du nom de ce philosophe français qui a vécu plusieurs années sur Kalverstraat à Amsterdam. À cette époque certains se souvenaient déjà la larme à l'œil de la salle de cinéma récemment détruite pour rénovation avant d'être laissée à l'abandon faute de crédits. Six ans plus tard j'apprenais entre deux verres[1] que si les crédits ne sont pas venus c'est parce que la maison Descartes allait être vendue au moment opportun. C'est quand même bien dommage pensé-je de laisser dépérir une telle salle pendant si longtemps pendant que d'autres cherchent vainement un cinéma pour organiser un festival…
Note
[1] Finalement c'est bien d'être candidat aux législatives, on apprend des infos qui ne circulent que sur radio moquette de l'administration
C'est finalement par un jeu de question réponse que le gouvernement a fait l'annonce officielle, laissant au député Cordery le rôle du notable inquiet pour ses électeurs et le rayonnement de la culture française…
L'hospice Wallon
À Amsterdam , le mot Wallon a une connotation francophone comme en Belgique mais ne désigne pas les francophones de Belgique, il désigne les français protestants qui ont fuit la France après la révocation de l'Édit de Nantes et que nous appelons Huguenots. Cela vient sûrement du fait qu'une première vague de réfugiés francophones venaient de Belgique, eux aussi chassés par le pouvoir catholique des occupants espagnols.
Dans un article consacré à cet hospice, par Marie-Christine Kok Escalle, nous en dit plus sur cette migration et sur la naissance de l'église wallone à Amsterdam dont l'hospice fut une annexe pour l'accueil des orphelins. En 1967, le bâtiment est racheté par l'État français pour y héberger son Institut culturel qui ouvrira ses portes en 1971.
J'ai aimé y aller pour assister à des conférences ou des soirées sur le parquet qui grince ou juste pour manger un lunch-gamelle avec les copains dans une cuisine où trône un poêle antique couvert de carreaux bleu de Delft. à L'autre bout du bâtiment, je me souviens encore avoir renouvelé des papiers en sous-sol puis avoir été reçus, bien plus tard dans les salons du consul avec quelques responsables associatifs.
Malgré ces bons souvenirs, je dois aussi avouer que la Maison Descartes n'a pas été le haut lieu culturel de la ville. Les quelques initiatives que j'y ai vu n'étaient soutenues que du bout des lèvres et malgré la bonne volonté de certains personnels, il semble que, effectivement, les crédits n'étaient pas là et que l'espace était sous-utilisé à l'image de la salle de cinéma, grande fosse vide ou les derniers fauteuils arrachés prenaient la poussière sans que rien ne bouge[1] [2].
La fin de l'institut français
Depuis la confirmation en 2013, peu de choses ont bougé à part des pétitions pour le maintient de l'Institut français dans ces murs historiques. Les choses ont commencé à se préciser en 2016 sans doute parce que le prix de vente devenait intéressant pour tous. Apparemment en dehors de la vente du bâtiment, la poursuite des activités était encore dans le flou, les profs de français allaient être virés et les livres de la médiathèque vendus au kilo sans que d'autres options se profilent à l'horizon. Ceci a valu un regain des pétitions dont une lancé par Tanguy, conseiller consulaire et même une tribune dans le Monde par d'ancien directeurs du lieu. Ce à quoi l'administration a répondu en tordant l'information dans un communiqué qui tente de faire croire à un projet culturel et les autres conseillères consulaires se sont remuées pour tenter des alternatives hors les murs.
Ce n'est finalement que depuis le 3 mars de cette année que la vente de l'«ensemble immobilier sis 2 Vijzelgracht à Amsterdam, Pays-Bas» est possible depuis la parution de l'arrêté en autorisant la vente. L'acheteur ne s'est pas fait connaître publiquement de suite et l'institut est resté dans les murs de la Maison Descartes sans avoir à payer de loyer. Depuis le courrier des élus du mois de janvier 2018, on sait que l'acheteur est un groupe d'investisseurs néerlandais.
Le déménagement est pour bientôt
Depuis mars 2018 donc, la Consule de France habite à titre gratuit un logement qui n'est plus propriété du gouvernement français. Pareil pour les services du consulat et de Business France. Cet automne ces services devraient déménager dans un immeuble de bureaux sur de Boelelaan 7, une adresse plus excentrée à proximité de la station de métro et du parc des expositions du RAI. L'adresse est moins prestigieuse mais on nous promet des bureaux plus modernes et plus adaptés aux besoins d'aujourd'hui.
Le déménagement a déjà eu lieu
Pour l'Institut français qui occupait la plus grande partie de l'Institut Wallon, le déménagement a déjà eu lieu puisque les services les plus visibles ont été supprimés avant même la publication de la vente. Les conférences se font hors les murs, comme depuis dix ans les séances de cinéma spéciales. Les cours n'ont plus lieu à l'institut mais sont proposés par l'Alliance Française d'Amsterdam dont les bureaux sont dans la nouvelle bibliothèque municipale (OBA)[3]. C'est d'ailleurs aussi cette bibliothèque municipale qui a repris le fond de livres en français de la médiathèque. Le reste des postes administratifs de l'attaché culturels ont repris leur place naturelle auprès de l'ambassadeur dans la nouvelle ambassade à la Haye.
De toutes façons il y a bien longtemps que les initiatives culturelles francophones ne sortent plus de ce nid. La maison Descartes a fermé ses portes mais le niveau culturel français d'Amsterdam, quoi qu'en disent les protestations, n'a pas vraiment changé. Les nouveautés culturelles françaises sont aujourd'hui privées. J'aimerais pouvoir vous présenter le nouveau collège français d'Amsterdam ou la librairie le temps retrouvé. Mais c'est pour une autre fois…
Notes
[1] En son temps, Laurent a parlé de cette maison Descartes en des termes inquiétants qui montrait quelques bouts du problème.
[2] Oui, j'ai eu l'occasion de visiter la salle de ciné le temps d'un Téléthon.
[3] Encore en bâtiment remarquable à visiter que je ne vous ai pas présenté sur ce blog…