Comme c'est la première fois que je parle de drogue interdite sur ce blog, je vais vous faire un petit résumé de la situation actuelle avant de commenter sur l'actualité récente.

La dépénalisation de la vente de cannabis.

Il faut remonter aux années 60 avec l'essort de la consommation de drogues dans toute l'Europe pour voir apparaître l'interdiction de vente et de consommation de cannabis. Les Pays-Bas se démarquent en instaurant une loi condamne effectivement la vente et la consommation de cannabis mais ne le sanctionne pénalement que pour des ventes au delà de 5 grammes par personne et par jour. Une loi pragmatique permettant à la police de se concentrer sur les gros trafiquants et proposant d'encadrer les usagers.

L'augmentation de la consommation

Avec l'augmentation de la consommation de cannabis, les pays pénalisant sa consommation se trouvent de plus en plus en porte à faux auprès d'une grande part de la population puisqu'il n'est plus possible de poursuivre tous les consommateurs pris en flagrant-délit. Il s'instaure une tolérance de fait qui peut être brisée au moindre délit de sale gueule. Pas très sain tout ça. Certains groupes demandent la dépénalisation de l'usage de cannabis. La Belgique et l'Espagne ayant déjà suivit cette voie.

Aucune de ces lois en vigueur en Europe n'a réussi à faire baisser la consommation de Cannabis. Il est difficile de trouver des études honnêtes sur ce sujet mais selon ce que j'ai observé, il semble que le joint soit une culture beaucoup plus développée dans un pays très liberticide comme la France qu'aux Pays-Bas, pourtant plus permissifs. Il n'est cependant pas certain que ce soit une conséquence des lois sur la question. Je pense plutôt qu'il s'agit d'une conséquence sociale de l'encadrement de la loi. En France le consommateur est considéré comme un criminel. L'augmentation du nombre de consommateurs n'est pas pour arranger la crédibilité de cette considération ni l'action de la police qui a du mal à trier les petites affaires des grosses. Au Pays-Bas, le consommateur est considéré comme un malade que l'on peut soigner si son cas s'aggrave. Pas très encourageant. Les piliers de coffee-shop n'assurent pas vraiment un bonne publicité pour le produit.

Les dérives de la dépénalisation

Aux Pays-Bas, la dépénalisation existe depuis longtemps et elle apparaît comme une légalisation de fait. Le nombre de coffee-shops augmente fortement malgré un strict encadrement de leur activité. Beaucoup de ces commerces, spécialement dans les villes frontalières du sud et à Amsterdam, sont à destination des touristes. Cette tolérance Néerlandaise met la police des Pays-Bas en porte-à-faux aussi puisque l'approvisionnement de ces commerces, interdite par la loi, est toléré dans les faits. Des voies s'élèvent au sein de la classe politique (Les partis chrétiens CDA et Christenunie en tête) pour remettre en question cette dépénalisation. Fermer les coffee-shops comme on a fermé les smartshops cette année.

Les Pays-Bas ressèrent la vis

En 2007 et 2008, les villes frontalières comme Breda, Bergen-op-Zoom, Maastricht, devant le nombre grandissant de plaintes de riverains à l'encontre des touristes de la drogue, ont agit de différentes manières. Maastricht a interdit les coffees en centre-ville, proposant à ces commerces de s'installer en bord de route, en périphérie à proximité de parkings. Même approche à Terneuzen (Zélande) ou la commune a placé des des panneaux indiquant aux automobilistes la direction à prendre pour trouver les coffee-shops de la ville. Elle invite ainsi le surcroît de trafic dût aux touristes perdus. A coté de cela, les communes de Roosendaal et Bergen op Zoom on décidées en octobre dernier de ne plus tolérer les coffee-shops sur leur territoire. Tout le monde sait que cela ne fera que déplacer le problème.

La commune d'Amsterdam est taillé pour subir les nuisances des touristes avec plus d'aisance mais les dirigeants voudrait écarter la tentation des drogues douces aux plus jeunes. La ville a ainsi annoncé en novembre dernier l'interdiction de vente de cannabis à moins de 250m d'un collège ou lycée. Amsterdam imite ainsi Rotterdam qui a mis en place une telle réglementation en juin 2007. 43 coffee-shops devront fermer dans la capitale avant 2011. Parmi eux, le fammeux Bulldog de Leidseplein qui est trop proche du lycée Barlaeus.

Un sommet de la drogue douce

Les bourgmestres des villes devant gérer des coffee-shops ont été invités ce vendredi 21 novembre dernier à un sommet du cannabis qui se tenait à Almere. Avant la tenue de ce sommet, deux camps s'affrontaient dans les médias, celui qui voulait fermer les coffee-shops pour éviter les nuisances en fermant les yeux sur la criminalité que ça pourrait créer et ceux qui voudrais légaliser la culture du cannabis pour que les coffee-shops pour éviter que ce commerce entretienne la criminalité. Il semble aue le consensus se soit fait en faveur de la deuxième solution avec des proposition d'expérimentation de cette tolérance fortement encadrée. La revue de presse francophone en a fait un compte-rendu le lundi suivant que je reproduit ci dessous. Ce sommet qui pourrait paraître incongru à un maire français normalement constitué a fait foisonner les idées.

LE DOSSIER DU JOUR : Drogues douces

"Il faut autoriser la culture sous contrôle du cannabis", a écrit le NRC Handelsblad (pp.1 et 3) de samedi. "Eindhoven a proposé de commencer une expérience. C'est ce qui ressort du «sommet du cannabis» à Almere vendredi, auquel ont participé 33 maires."

"Tous les maires présents se sont accordés à dire que la régulation de la production et du commerce des drogues douces est nécessaire. Un projet pilote doit montrer si c'est efficace. Le maire d'Eindhoven, Rob van Gijzel (PvdA), s'est immédiatement proposé pour essayer un tel pilote. En régulant la culture, par exemple en appliquant un système de licences et en établissant des tarifs fixes avec les cultivateurs, il veut «avoir prise sur l'approvisionnement des coffee-shops»."

"Van Gijzel qualifie les problèmes de criminalité dans la région d'Eindhoven de «sérieux». Il veut mettre fin aux pratiques de blanchiment, de ripdeals et de chantage liées au cannabis." "Au «sommet administratif sur la politique de la drogue» organisé par l'Association des communes néerlandaises (VNG) et la commune de Maastricht, 33 maires ayant des coffee-shops sur le territoire de leur commune ont débattu des points noirs de la politique de tolérance néerlandaise. La discussion sur cette politique a redémarré il y a quatre semaines, lorsque les maires des communes frontalières Roosendaal et Bergen op Zoom ont décidé de fermer tous leurs coffee-shops à cause de la nuisance causée par des milliers de touristes de la drogue."

"Ce sont essentiellement des bandes criminelles qui fournissent des drogues douces aux coffee-shops. Les maires sont convaincus que la fermeture des points de vente de cannabis n'est pas une solution à ce problème. «Cela n'entraîne que davantage de criminalité», a dit le maire de Maastricht, Gerd Leers. «Et ne croyez surtout pas que quiconque fumera un joint de moins»."

"Il ne faut pas seulement réguler la politique de la porte de derrière, mais aussi celle de la porte de devant, surtout dans les communes frontalières, a-t-on souligné durant ce sommet. Le maire de Venlo, Hubert Bruls, prône un système de cartes d'identité valable dans tout le Limbourg, de sorte que les non-Néerlandais (dans le cas de Venlo surtout des Allemands) n'aient pas accès aux coffee-shops."

"Annemarie Jorritsma, maire d'Almere et présidente de la VNG, a déclaré qu'elle débattrait des résultats du sommet sur le cannabis avec le gouvernement dès avant Noël."

"Le ministre CDA de la Santé publique Klink va voir avec ses collègues de la Justice si Eindhoven peut ouvrir une plantation de cannabis à titre d'essai" ; annonce le Volkskrant (p.3) ce matin. "La proposition faite par 33 communes au «sommet du cannabis» à Almere, vendredi, n'est pas conforme à l'accord de gouvernement, selon le ministre. «Mais je ne veux pas réagir trop précipitamment. Je veux examiner la question sans parti pris», a déclaré Klink dimanche, durant le programme télévisé Buitenhof." "Klink a dit qu'il était prêt à examiner tous les avantages et inconvénients de la proposition."

"Les partis gouvernementaux CDA, PvdA et ChristenUnie sont divisés sur la question", rappelle le journal de centre gauche. "Le CDA et la ChristenUnie s'en tiennent au passage de l'accord de gouvernement qui dit qu'on n'appliquera pas de changement fondamental de la politique des drogues douces durant la législature actuelle. Durant la formation du gouvernement Balkenende IV on est convenu explicitement de ne pas faire de nouvelles expériences. «Il ne saurait en être question», déclare le député Ed Anker, de la ChristenUnie. «Il n'appartient pas aux autorités de produire des drogues». Selon la ChristenUnie, il faut au contraire aller dans l'autre sens. «S'il ne tient qu'à la ChristenUnie, on réduira progressivement la politique de tolérance»."

"La députée PvdA Lea Bouwmeester, elle, estime qu'on ne peut pas ignorer le signal donné par 33 maires aussi bien du CDA que d'autres partis. Elle veut un débat à la Deuxième Chambre." "La députée CDA Cisca Joldersma est déçue par le sommet du cannabis. Elle s'attendait à plus de solutions pratiques de la part des communes pour réduire la nuisance du tourisme de la drogue dans les régions frontalières."

Commentaires

Pour l'éditorialiste du Volkskrant, "le plaidoyer en faveur de la culture régulée du cannabis est logique pour ceux qui veulent en décriminaliser la vente". "La fermeture de tous les coffee-shops freinerait le tourisme de la drogue, certes, mais ferait rentrer de nouveau les consommateurs néerlandais dans le circuit illégal." "Il faudra beaucoup d'adresse diplomatique pour convaincre l'étranger que régulation ne veut pas dire légalisation, mais le maire de Maastricht, Leers (CDA), qui, en tant qu'initiateur du sommet du cannabis, ne cesse de condamner la politique de l'autruche appliquée par ses collègues de parti à La Haye, affirme à juste titre que le gouvernement ne peut plus fermer les yeux sur la réalité."

"L'interdiction absolue des drogues douces n'est pas une solution au problème", fait valoir le commentateur du Trouw. "Il va de soi qu'il n'y a pas de lien direct entre l'existence des coffee-shops et l'émergence d'un narco-Etat. Mais ce sont bel et bien des points de vente qui facilitent la criminalité. Nous l'acceptons parce que l'alternative de l'illégalité est encore moins attrayante. Nous nous retrouvons néanmoins dans une situation dans laquelle les avantages de la tolérance ne font pratiquement plus bonne mesure contre une interdiction générale. Dans ces conditions on est en droit d'attendre des maires qu'ils s'arrangent pour avoir le contrôle de la «porte de devant» (avec ou sans système de cartes) en raison des nuisances et mieux surveiller la «porte de derrière». S'ils n'y arrivent pas, une interdiction à terme de la vente de drogues douces sera inévitable."

La suite nous dira ce que donne l'expérience d'Eindhoven et comment se passera le débat à la deuxième chambre. On peut noter qu'un débat sur la question de la dépénalisation de la culture avait déjà eu lieu en juin 2006. A l'époque le commissaire Européen Frattini (Justice) avait confirmé la légalité au niveau européen de cette option.

C'est finalement en 2011 qu'une loi plus contraignante sur le canabis est sortie.